Origines et évolution de la ménopause (Avril 2015 - Décembre 2016)





D’avril 2015 à Décembre 2016, j’ai effectué un nouveau post-doctorat en biologie évolutive humaine en France, plus précisément à l’Institut des Sciences de l’Evolution de  Montpellier. Ce travail, financé par l’ANR Humanway et pour lequel j'ai été salariée par le CNRS, avait pour objectif de comprendre les conditions permettant l'émergence du phénomène de ménopause au cours de l'évolution d'une espèce.

           

      
Indépendamment de l’espérance de vie dans les populations, la ménopause intervient chez la femme en moyenne vingt ans avant que cette échéance ne soit écoulée. À l'inverse, elle est quasiment inexistante dans le reste du règne animal (à l'exception de certains cétacés).

On peut donc se demander quelles sont les mécanismes à l'origine de cette quasi exception humaine.

En biologie évolutive, on considère la ménopause comme un paradoxe: arrêter de se reproduire bien avant la fin de la vie semble limiter la transmission des gènes. Un tel trait ne peut donc être favorisé par la sélection naturelle que si un avantage suffisant vient compenser ce coût.
Pour identifier cet avantage, j'ai pris le parti de la modélisation. J’ai utilisé les réseaux de neurones artificiels, une technique inspirée de la robotique, pour modéliser l’évolution des décisions d’allocation dans la reproduction versus les autres fonctions dans des populations simulées. 

En effet, selon la théorie des traits d'histoire de vie, le potentiel d'énergie disponible pour un individu tout au long de sa vie est limité. Par conséquent, tout individu doit, tout au long de sa vie, décider (inconsciemment bien sur) de la proportion de ressources et d'énergie à allouer à chaque instant à chacune de ses fonctions vitales (survie, croissance, reproduction, etc.). Ces décisions d'allocations varient selon les individus, l'environnement, ou encore les étapes de la vie. Elles constituent différentes stratégies appelées "stratégies d'histoire de vie". 

Dans ce contexte, on peut voir la ménopause comme une stratégie consistant à arrêter de se reproduire pour favoriser d'autres fonctions, notamment l'investissement pour les descendants existants. Les réseaux de neurones artificiels permettent de modéliser l'évolution des stratégies d'histoire de vie dans des populations simulées, et ainsi d'identifier en direct les conditions nécessaires pour que la ménopause émerge et devienne la norme dans la population.
J’ai montré que les capacités cognitives hors du commun de notre espèce, combinées à l’« effet grand-mère », peuvent expliquer l’émergence de la ménopause. Par "effet grand-mère", on entend que l’investissement de la grand-mère pour ses descendants existants plutôt que la production de nouveaux descendants favorise à la fois la fertilité de ses enfants et la survie de ses petits-enfants (Hawkes, 1998), et donc la transmission des gènes.
Aimé, C., André, J. B., & Raymond, M. (2017). Grandmothering and cognitive resources are required for the emergence of menopause and extensive post-reproductive lifespan. PLOS Computational Biology13(7), e1005631.
Ce travail m’a permis de maîtriser le langage de programmation C++ et l’utilisation des réseaux de neurones artificiels, un outil qui pourrait permettre de répondre à de nombreuses autres questions en biologie évolutive.
Enfin, j'ai moi même rédigé un article de vulgarisation de ce travail publié dans The Conversation : 


Commentaires

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  2. Merci pour ce partage. Ce qui est étonnant c'est que les indiennes n'ont pas les symptômes de la ménopause si courants chez les femmes occidentales. Formée à l'Ayurveda, je n'ai pas souffert de ces symptômes, davantage liés à notre culture qu'à notre biologie

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  3. Bonjour et merci pour votre commentaire. Comme vous l'avez certainement compris, l'étude porte sur les origine de la ménopause en temps que telle, donc la fin des capacités reproductrices environ 20 ans avant la fin de l'espérance de vie. Cette caractéristique est présente dans toutes les populations humaines. Concernant les manifestations souvent désagréables associées à la ménopause, je n'ai pas directement travaillé sur la question, mais je ne serai pas étonnée en effet que le mode de vie, le stress, l'alimentation et autres facteurs environnementaux les influencent. De manière plus générale, je suis moins à l'aise avec la formulation "davantage liés à notre culture qu'à notre biologie" pour une raison simple : très peu de choses sont liées seulement à la culture ou seulement à la biologie. Les deux interagissent sans cesse : notre environnement influencent notre physiologie à l'échelle de l'individu, mais aussi à l'échelle de la population et de son histoire évolutive. Par exemple : les caractéristiques avantageuses pour la survie ou la reproduction tendent à devenir plus fréquente dans une population au fil des générations par sélection naturelle, mais celles ci diffèrent selon l'environnement, donc l'environnement modifie les caractéristiques biologiques d'une population génération après génération. Les populations qui ont développé traditionnellement l'élevage pour la consommation de lait ont développé par exemple la capacité de digérer le lactose à l'âge adulte : une caractéristique biologique qui a été modifiée par l'environnement donc. Il y a aussi des exemples inverses, ou la biologie influence la culture. Culture et biologie sont donc indissociables nous sommes les résultantes des interactions multiples et complexes entre ces deux aspects. Je préfère donc ne pas opposer les deux pour éviter d'alimenter le vieux débat stérile qui veut opposer inné et acquis. Mais à part ca, oui, je ne serai pas étonnée que notre environnement et notre mode de vie influence les "symptômes" physiologiques de la ménopause. Je ne connais qu'une étude sur la variabilité de ces symptômes entre les cultures. Elle ne trouvait pas de différences significatives (= supérieures à ce que l'on pourrait observer par hasard) entre les pays étudiés, mais il faudrait que je retrouve le papier pour vérifier si ils ont inclus l'Inde dans leurs analyses. Je vais chercher. Il y a aussi certainement une forte variabilité individuelle même au sein d'une même culture, dont il serait intéressant de déterminer les causes. Même en occident, certaines femmes connaissent peu de manifestations physiques de la ménopause, sans forcément être formées à l'Ayurveda. Donc une étude statistique sur un échantillon de femmes assez nombreuses serait nécessaire pour tester scientifiquement l'hypothèse d'un lien de cause à effet . Question à creuser donc...

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